Une escapade routière mère-fille le long du circuit touristique Pacific Marine Circle

L’auteur se balance au bout d’une corde à Sandcut Beach.

L’auteur se balance au bout d’une corde à Sandcut Beach.


Photo ci-dessus : L’auteur se balance au bout d’une corde à Sandcut Beach.

Histoire et photos par Emma Skye

Emma est une photographe indépendante spécialisée dans la photographie de voyage, de mode de vie et d’aventure.

Une grande voyageuse explore le sud de l’île de Vancouver à la recherche de l’endroit idéal où s’établir.

Je suis de retour à la maison depuis à peine une semaine, et, déjà, ce sentiment d’agitation qui m’incite à vérifier les vols vers des destinations exotiques m’envahit. C’est le mois de février à Victoria, au Canada, et bien que l’explosion des cerisiers en fleurs annonce clairement l’arrivée imminente du printemps, la neige se cache dans les coins sombres et le thermomètre oscille tout près du point de congélation.

Les hivers glacés m’amènent à me questionner sur la raison pour laquelle ma mère, une grande voyageuse qui pilotait un petit avion à travers le pays et qui me scolarisait à l’âge de 9 ans pendant que nous naviguions dans le monde entier pendant quatre ans, a décidé d’établir des racines dans Victoria.

Pour m’aider à comprendre, et atténuer cette sensation d’agitation, moi et maman avons décidé d’entreprendre une escapade routière mère-fille le long du circuit touristique Pacific Marine Circle. Le circuit d’environ 300 km est un parcours pittoresque dans le sud de l’île de Vancouver, et aucune d’entre nous ne l’avait parcouru dans son intégralité.

En sortant de la ville, nous avons passé devant la Gorge, une passe de marée où vivait maman il y a plus de 50 ans quand elle avait mon âge. « En hiver, l’eau s’infiltrait dans notre sous-sol! », maman a expliqué en riant, puis elle a pointé vers un banc de parc où sa maison se trouvait autrefois. Alors que nous continuions, elle m’a parlé de sa première leçon de voile ici, qui plus tard a mené à deux longs voyages à explorer l’océan pendant 10 ans.

Notre premier arrêt a été Fort Rodd Hill et le phare de Fisgard, à 20 minutes en voiture à l’ouest du centre-ville de Victoria. Bien qu’il s’agisse du premier phare construit dans l’Ouest canadien, une couche de peinture fraîche masque bien son âge. De là, nous avons longé le boulevard Ocean jusqu’à Esquimalt-Lagoon, où des sculptures en bois excentriques de divers oiseaux canadiens longent le bord de l’eau pendant que des mouettes vivantes volent au-dessus, en observant les passants avec intention.

Profitant de dernières quelques heures de clarté, nous avons roulé vers le sud-ouest pendant 30 minutes et nous nous sommes arrêtées pour faire une randonnée pédestre dans le parc East Sooke pour explorer les pétroglyphes. La marche était plus longue et plus boueuse que je ne l’aurais cru, mais cela ne semblait pas déranger maman. Chaque fois qu’elle trébuchait sur une racine d’arbre, je criais « Attention! » et maman lavait les yeux au ciel. Je savais qu’elle allait bien, mais je m’inquiétais tout de même. En repensant à mes randonnées d’enfance, cette sensation d’inquiétude était comme une inversion des rôles.

Le lendemain matin, nous avons emprunté l’autoroute 14 pendant quelques minutes jusqu’au parc Ed MacGregor puis avons serpenté jusqu’à la promenade marine. Nous avons observé l’eau dans l’espoir d’apercevoir la faune et la flore sauvages annoncées sur les panneaux d’interprétation. Nous n’avons pas réussi, mais maman a pu identifier plusieurs oiseaux, certains par leur apparence, d’autres par leur chant. C’est comme avoir un livre « Oiseaux de la Colombie-Britannique » ambulant.

Nous avons poursuivi notre itinéraire sur le circuit touristique Pacific Marine Circle jusqu’à l’endroit où des amis nous avaient recommandé de prendre un café. Comme je privilégie le café de façon malsaine, c’est certain que nous y sommes arrêtées. Maman, qui buvait jusqu’à une douzaine de tasses de café par jour, favorise le thé depuis quelques années. Heureusement, les deux boissons étaient à la hauteur du nom du café, Shirley Delicious.

Pendant 10 minutes, nous avons continué à monter la côte sur l’autoroute 14, puis nous nous sommes arrêtées à Sandcut Beach, où des vagues déferlantes avaient sculpté le rocher derrière une cascade, et à China Beach. En descendant un sentier bien aménagé jusqu’à cette dernière plage, maman m’a expliqué : « Anciennement, quand nous cherchions de bons endroits pour descendre jusqu’à l’eau, ils étaient plus rares que maintenant. Il n’y avait qu’un sentier boueux et il fallait grimper par-dessus les racines. » Quand elle parle de « nous », elle parle d’elle-même et de son premier mari. Lorsqu’il est décédé, elle a éparpillé ses cendres ici. Assises en silence, nous avons observé les vagues qui s’écrasaient sur la rive et qui faisaient sauter les petits galets en retournant vers la mer. Outre quelques surfeurs déterminés, nous étions les seules personnes sur la plage.

J’ai demandé à maman si elle s’ennuyait de voyager. Après avoir réfléchi pendant une minute, elle m’a dit : « Voyager m’a permis de comprendre à quel point je suis Canadienne. Je me sens chez moi ici. Quand on se trouve dans d’autres endroits, on ne capte pas nécessairement toutes les nuances. » Je me demande quand elle en a pris conscience. Je ne comprends pas tout à fait maintenant, mais peut-être que dans 50 ans, moi aussi je vivrai à Victoria et boirai du thé.

En partant, nous avons accueilli un jeune couple italien d’autostoppeurs qui en étaient à la dernière semaine de leurs vacances de ski. En discutant des différences de nos pays, nous nous sommes mis d’accord pour dire que les conducteurs canadiens étaient très polis et qu’ils respectaient les limites de vitesse bien plus que la plupart des Italiens! Après une heure de route, nous les avons déposés à Port Renfrew, puis nous avons emprunté une route forestière pour visiter l’arbre le plus noueux au Canada dans Avatar Grove, et Big Lonely Doug, le deuxième plus grand Douglas vert au Canada. Doug est si grand que la seule façon que vous remarqueriez mère debout à côté de lui serait si vous saviez déjà qu’elle était là.

Une fois installées au centre de villégiature Trailhead Resort à Port Renfrew, nous avons découvert que la plupart des commerces étaient fermés pour la saison. Nous avons soupé à la brasserie locale, entourées d’habitants vêtus de flanelle et d’écrans massifs montrant un match de hockey canadien.

Nous avons bien dormi, et nous sommes réveillées à un monde envahi par des flocons de neige. Sachant que souvent les routes secondaires de l’île ne sont pas déneigées et que nous avions encore trois heures de route à faire vers l’est pour traverser l’île de Vancouver, nous avons repris la route quelques minutes après le déjeuner. Apercevant des autostoppeurs aux limites de la ville, Maman s’est mise à rire lorsqu’elle a réalisé qu’il s’agissait du couple de la veille. Elle les a avertis : « Vous risquez d’avoir à nous aider à sortir la voiture d’un fossé ».

 

En raison de la visibilité limitée, nous avons opté pour ne pas arrêter au lac Cowichan et continuer notre parcours vers l’est jusqu’à la ville côtière de Duncan, où la mémoire « GPS » de maman a pris le contrôle pour nous guider jusqu’à Maple Bay, à proximité. Maman avait passé un hiver ici, après avoir amarré le tout premier bateau qu’elle venait d’acheter. Ensuite, elle est partie à la voile pour explorer l’océan Pacifique pendant six ans.

Nous avons filé vers le sud sur la promenade Malahat. Habituellement, j’adore arrêter au belvédère Split Rock, qui surplombe le passage de Saanich. Malheureusement, avec toute la neige, il était presque impossible de voir quoi que ce soit. Nous avons opté pour explorer le pont sur chevalets de Kinsol, ce qui représentait un détour d’une heure par rapport à notre itinéraire. Nous avons pris quelques photos puis, une fois suffisamment gelées, nous sommes retournées à la voiture. Nous conduisons lentement en route pour la maison, suivant de près un chasse-neige.

J’étais à regarder les photos de notre voyage sur mon appareil quand j’ai levé les yeux pour admirer la beauté des arbres enneigés en bordure de la route. « Cette région est magnifique, ai-je avoué à maman. Je pourrais me voir vivre ici, mais pas pendant 50 ans. Et surtout pas à cette période de l’année! »

Maman a ri et a répondu : « Je crois que c’est la raison pour laquelle je m’en vais en Inde la semaine prochaine ».

J’ai réalisé que même si elle qualifie Victoria de son chez-soi, le côté de ma mère qui m’a inspiré à explorer le monde n’a pas disparu, il est tout simplement devenu saisonnier.

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