Plaisir de Type 2 : S’initier à l’alpinisme sur le champ de glace Wapta


Photo ci-dessus : Le guide Dave McCashin marche sur un glacier surplombant le lac Iceberg.

Histoire et photos par Emma Skye

Emma est une photographe indépendante spécialisée dans la photographie de voyage, de mode de vie et d’aventure.

Un aperçu des raisons qui nous motivent à explorer et à franchir les sommets.

Il existe une photo d’une randonnée familiale qui a été prise quand j’avais deux ans. Les visages de mes parents sont rayonnants tandis que moi, qui suis attachée dans un porte-bébé sur le dos de mon père, ai l’air plus misérable que notre chat l’aurait l’air dans des circonstances semblables. Une fois que j’ai été libérée de cet accoutrement, l’être têtu que j’étais à deux ans s’était juré de ne plus jamais faire de camping ni de randonnée. Et, ce n’est que 20 ans plus tard que je suis revenue sur ma décision. Enfin, après un été de randonnée dans les Alpes du sud de la Nouvelle-Zélande, j’ai réalisé, comme beaucoup d’entre nous le font, que mes parents avaient raison tout le long.

Et, c’est ainsi qu’a commencé ma passion pour les montagnes et le Plaisir de Type 2.

Le Plaisir de Type 2 est le genre de plaisir qu’on découvre une fois que l’activité est terminée. C’est comme l’entraînement en parcours (CrossFit) qui consiste en une variété d’entraînements intenses. Si je les aime, c’est surtout dû au fait que je peux me gaver de toute sorte de nourriture une fois que je les ai terminés. Pour la plupart des gens, l’alpinisme fait également partie de cette catégorie de plaisir.

Ayant passé près de la mort sur une pente glacée en France au début de l’année 2019, j’ai conclu que se fier à la chance, surtout sans piolet à glace, n’était pas une bonne tactique de survie. À la suggestion d’un ami qui s’inquiétait pour moi, je me suis inscrite à un cours d’initiation à l’alpinisme d’une semaine avec l’école Yamnuska Mountain Adventures près du parc national de Banff dans les montagnes Rocheuses canadiennes.

Yamnuska opère à Canmore, en Alberta, à 966 kilomètres en voiture de ma maison à Victoria, en Colombie-Britannique. À ma vitesse de conduite, cela signifiait plus de 12 heures derrière le volant. Quand je suis finalement arrivée au bureau de Yamnuska pour rejoindre les cinq autres participants, mes jambes étaient engourdies et j’étais encore à moitié endormie. C’était comme le premier jour de l’école, sauf qu’au lieu de manuels, nous transportions des sacs de couchage, des vêtements de pluie et de la nourriture. Heureusement, la randonnée de quatre heures jusqu’à Bow Hut, notre logement pour la prochaine semaine, a servi à éliminer la nervosité. Ce soir-là, Dave, notre guide, nous examinait pendant que nous riions tout en secouant la tête. « Vous rigolez comme la plupart des groupes le font le dernier soir. »

Au moment où Dave commence littéralement à nous montrer les cordes, un étudiant, Tom, les regarde avec méfiance. « Je suis très mauvais avec les nœuds », explique-t-il. Dave le rassure, en disant : « Tu ne peux pas être aussi mauvais qu’un de mes anciens étudiants ». Et, il commence à raconter l’histoire. C’est comme ça que toutes nos soirées se sont déroulées. Une fois le souper terminé, Dave passe de l’enseignement aux anecdotes, nous racontant les réussites et les défis des autres étudiants.

Survivre dans les montagnes

 

Chaque jour après le déjeuner, nous nous aventurons sur le champ de glace Wapta, une région glaciaire qui couvre environ 78 kilomètres carrés de la ligne de partage des eaux. La plupart du temps, la neige et les nuages se fondent pour créer une toile homogène et le sommet du mont Saint Nicholas qui nous surplombe ressemble à une nageoire de requin géante et argileuse. Sous l’œil attentif de Dave, nous apprenons les bases de l’alpinisme. Nous découvrons que marcher sur des glaciers attachés les uns aux autres fait penser à la maternelle, et nous passons des heures à créer des ancrages pour nous sortir mutuellement des crevasses.

Dave répond à nos questions avec une exaspération mesurée; il nous corrige lorsque nous mettons sans cesse nos crampons à l’envers; et il nous divertit en nous racontant les mésaventures de ses anciens étudiants, incluant l’histoire du gars qui avait inexplicablement oublié son sac à dos et toutes ses possessions au haut de la montagne.

En grande partie, il s’agit d’une expérience de Plaisir de Type 1, agréable au moment même où le tout se déroule. Ayant vécu si étroitement liés 24 heures sur 24, nous avons appris à nous connaître à un niveau d’intimité qui est habituellement réservé à sa tendre moitié. Nous avons partagé des histoires; nous nous sommes félicités mutuellement en atteignant le sommet du mont Olive; et nous avons savouré la meilleure nourriture de camp que j’ai jamais mangée. Mais c’est au quatrième jour, lorsque la pluie s’est mise à s’abattre sur nous et que j’ai réalisé que mon précieux manteau de pluie n’était pas imperméable, que j’ai commencé à me demander ce qui nous motivait à faire cela. La souffrance est-elle réellement bonne pour l’âme? Ou existe-t-il un gène commun qui dispense de la folie à tous ceux qui souhaitent s’aventurer dans l’inconnu?

J’y réfléchissais pendant que nous retracions nos pas jusqu’à la cabane, tout le monde grelottant en silence. Le ciel se dégage, mais nous avons assez aujourd’hui du mont Saint Nicholas. Après avoir soigneusement suspendu notre équipement sur la cheminée, nous passons la soirée à nous « secourir » les uns les autres sur la terrasse de la cabane, ce qui a bien amusé les autres occupants de la cabane. Un par un, nous allons nous coucher pour la nuit. Tom, qui s’exerce à faire des nœuds sous la lumière vacillante des lampes alimentées au propane, est toujours le dernier au lit.

Le dernier jour, le groupe vote à l’unanimité de trouver des crevasses plus grandes pour mettre en pratique les sauvetages plus complexes. Je me retrouve suspendue dans une crevasse à plus de 5 mètres du rebord, en compagnie d’un autre étudiant. Nous dînons tout en attendant de nous faire hisser hors de la crevasse. Plus tard, alors qu’on descend un autre groupe de « victimes » dans la crevasse, Tom réalise quelque chose et dit : « Le harnais est le seul élément sans système de secours. »

C’est une affirmation et non une question. Dave fixe Tom du regard et lui répond : « Non. Vous pouvez mourir de plusieurs façons. » Un autre étudiant rit en disant, « S’il y a une chose que ce cours nous a apprise, c’est bien ça. »

Plus tard, alors que notre dernière soirée se termine, Dave suggère que nous fassions de « l’escalade de bloc sur table ». La table est nettoyée plus rapidement que j’aurais pensé possible. Dave retire son chandail et respire fort en nous donnant une démonstration, au son de nos cris d’encouragement. Le défi consiste à grimper autour de la table (au-dessus et en dessous) sans toucher le sol. Cherchant à repousser la fin du voyage, nous avons veillé plus tard que n’importe quelle autre nuit.

Il n’y a pas de raison unique qui nous motive à escalader les montagnes. Certaines personnes cherchent à se tenir debout sur les sommets. D’autres veulent relever les défis que proposent les escalades ou les randonnées difficiles. En regardant les membres d’équipage autour de moi, dont la plupart étaient torse nu en attendant de s’accrocher à la table où nous avons partagé nos dîners ensemble, je suis convaincue que la seule chose que nous avons définitivement en commun, c’est une affinité pour les Plaisirs de Type 2.

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